Page 43 - L'Extension N° 68 / Avril 2019
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[dossier/urbanisme]
DevCoop Grand Genève : « Grand Genève, un visage
une réponse à la crise du logement ? presque inchangé en 2050 »
Sébastien Lambelet
Assistant de recherche et doctorant au Département de science politique et relations
internationales de l’Université de Genève
Sébastien Lambelet travaille sur la gouvernance urbaine des villes suisses
et les coopérations public-privé mises en place dans le cadre de grands
projets urbains. Il s’interroge sur le Grand Genève à l’horizon 2050.
Quel pourrait être le visage phase du projet. La phase la plus dense
de l’agglomération franco-valdo- ne sera réalisée qu’après 2030, à la suite
genevoise dans trente ans ? des pressions de la commune de
Il risque d’être assez semblable à celui Thônex. Cette lenteur des projets fait
d’aujourd’hui. Depuis les années 80, qu’une fois terminés, ils ne sont déjà
Genève n’assume plus toute seule sa plus en adéquation avec leur temps. On
croissance. Malgré les grands projets est systématiquement en retard.
immobiliers dont Genève parle Dans les années 60-70,
beaucoup et les 50 000 logements l’externalisation des logements vers la
prévus pour 2030, la production France est beaucoup moins
urbaine entre parties française et importante. C’est l’époque des cités
genevoise ne permettra pas un retour satellites que sont les Avanchets, Le
à l’équilibre. Le problème de Genève, Lignon ou la Cité nouvelle d’Onex.
c’est notamment qu’elle n’a pas, Mais à partir des années 80, les Comment pourrait-on remédier à
contrairement à la France, un pouvoir politiques se mettent à protéger les cette situation ?
de décision fort qui permet quartiers de leurs électeurs, par Il faudrait un réel consensus soutenant
l’expropriation afin de répondre exemple les Pâquis et les Grottes pour ces grands projets sur la durée, tant
rapidement aux problématiques de la gauche, les zones villas pour la entre partis politiques qu’entre le
l’urbanisme. A Genève, le moindre droite. Cette espèce de compromis, canton et les communes. Ceci
projet prend un temps infini. qui vise à construire le moins possible, permettrait d’utiliser le foncier public
Dès lors, l’agglomération franco-valdo- tient jusque dans les années 2000, de manière stratégique et d’éviter
genevoise de 2050 devrait sim- lorsqu’un taux de vacance de d’utiliser la totalité des plus-values
plement être plus étalée et plus dense, logements à moins de 0,2 % oblige à foncières générées dans une logique
avec des infrastructures toujours lancer de nouveaux grands projets. de court terme, comme cela a été fait
surchargées. Ceci perdurera tant que pour le CEVA ou le Praille-Acacias-
Genève externalisera le logement et Vernets (PAV). La création de la
les coûts de sa croissance en France, fondation PAV, un opérateur urbain
tout en conservant les emplois, chapeauté par le Conseil d’Etat qui
générateurs de revenus. « L’agglomération aurait racheté les droits de superficie
franco-valdo- des industriels, était un pas dans la
Les grands projets tels que les genevoise de bonne direction. Mais le Grand Conseil
Communaux d’Ambilly, dont les 2050 devrait l’a refusée de justesse il y a un an.
travaux ont commencé et qui simplement être Désormais, il est prévu d’utiliser ces
devraient à eux seuls fournir plus étalée et plus terrains pour recapitaliser la caisse de
2 400 logements à l’horizon 2030, dense, avec des pension de l’Etat de Genève. On voit
n’auraient finalement que peu infrastructures bien que la forte volatilité de la
d’impact ? toujours sur- politique genevoise l’empêche de tenir
Les Communaux, dont on parle depuis chargées. » un cap, pourtant nécessaire, pour
1982, sont une bonne illustration de la Sébastien Lambelet concrétiser les grands projets. n
situation genevoise, Les travaux qui ont
© DR débuté ne concernent que la première Odile Habel
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