Page 14 - L'Extension N° 67 / Décembre 2018 - Janvier 2019
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.décodage/portrait













                            Ludovic Ballouard :






                            un indépendant inspiré



                            au pays des mastodontes





                            Il est des rencontres fertiles qui font basculer le destin. Celui de Ludovic Ballouard chavire
                            lorsqu’à 16 ans, un conseiller pédagogique lui suggère de s’orienter vers des études
                            d’horlogerie. Une révélation pour ce Breton un peu rebelle, issu d’une famille très modeste,
                            de parents paysans, que rien ne prédestinait ni au luxe, ni à la mécanique de précision.


                                     on intérêt pour le modé-  s’inscrire dans son parcours comme
                                     lisme et son inclinaison   une quête permanente et comme
                                     naturelle à fabriquer des   principe de vie. À 20 ans, il quitte sa
                                     miniatures de bateau ou   Bretagne natale pour sauter à pied joint
                           S d’avion depuis son plus         dans l’inconnu en postulant à un travail
                            jeune âge annoncent, comme un talent   en vallée de Joux. « Je découvre un ail-
                            prémonitoire, sa passion pour l’inven-  leurs totalement dépaysant, habité par
                            tion de montres à complications, et le   le froid. Il faisait -15Cº et le sol était
                            conduiront à Genève, parmi les rares   recouvert d’une couche de 20 cm de
                            horlogers indépendants de la place.  neige en automne », raconte-t-il. Un
                            Son existence romanesque est ponc-  environnement et un climat austère qui
                            tuée d’épreuves et de rebondisse-  aura raison de lui. « Je n’avais pas à
                            ments qui révèlent un caractère bien   me plaindre de mon travail dans cette
                            trempé. Il  apprend vite, s’impatiente   société d’assemblage qui sous-traitait,
                            et souvent se heurte à l’auto-insatis-  entre autres, pour Baume & Mercier.
                            faction. Le premier jalon de cette vie   Mais s’ils ne sont pas satisfaisants, le
                            intense débute à l’École d’horlogerie   cadre et la qualité de vie viennent, par
                            de Rennes qu’il intègre malgré son pro-  capillarité, ternir la perception du quo-
                            fil atypique. Il a cessé le cycle normal à   tidien. Bien décidé à ne pas prendre
                            13 ans et a appris la sténodactylo, une   racine dans un lieu que je jugeais
                            formation bien lointaine et en-deçà des   inhospitalier, je suis donc reparti, à bord
                            prérequis pour l’école. Il parvient pour-  de ma 4L, au printemps. Il faisait tou-
                            tant à remporter l’adhésion du comité   jours -15Cº et la neige n’avait toujours
                            d’admission et à obtenir une déroga-  pas fondu. » Ainsi s’achève sa première
                            tion pour figurer parmi les 13 retenus   expérience helvète.
                            de l’école d’horlogerie sur les 200 pos-  De  retour  en  Bretagne,  le  travail  ne
                            tulants. Première victoire.      se fait pas attendre. Ludovic rebon-
                                                             dit sur une opportunité d’emploi
                            DE LA BRETAGNE                   dans une société spécialisée dans la
                            A LA VALLEE DE JOUX              maintenance de compteurs d’avion.   Ludovic Ballouard débute
                            Il n’achève pas ces trois années de for-  « Devenu technicien d’instruments de
                            mation et préfère, à 18 ans, accepter   bord, je me complaisais dans un travail   sa vie genevoise dans
                            un travail pour rompre avec un cursus   qui satisfaisait deux passions en une,   le groupe Franck Muller
                            qu’il juge ennuyeux. C’est en candidat   celle des avions et de l’aéromodélisme,   qui ne comptait à l’époque
                            libre qu’il passe avec succès ses exa-  et celle des instruments de bord et de
                            mens. Vivre libre donc, et sans jamais   la mécanique de précision. » Cette   que 15 salariés,
                            céder à la facilité. Très tôt, la notion de   tranche de vie de huit ans finit par le   contre 450 aujourd’hui.
                            liberté et d’indépendance vient ainsi   lasser. « De nouveau attiré par l’idée de

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