Page 72 - L'Extension N° 64 / Juin-Juillet 2018
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.bien-vivre/gastronomie
Morilles et asperges,
ambassadrices du printemps
Avec le retour des beaux jours nous vient une envie d’asperges et de morilles ! Comme la fraise, elles sont toutes deux messagères du
printemps. Et cette année, voilà que nous parvient une nouveauté : la première morille suisse de culture est désormais une réalité et
se vend sur nos étals. Rencontre avec Johann Favre, primeur carougeois, meilleur ouvrier de France.
« l faut se réjouir de cette sir à élaborer la recette du substrat qui un rôle à jouer pour infléchir cette
prouesse agronomique qui
marge d’action est relativement im-
nous arrive… de Chine » ! Ainsi le nourrit et le faire prospérer en quan- tendance auprès des jeunes. Notre
tité suffisante », déclare Johann Favre.
s’exprime Johann Favre, sacré « C’est une bonne nouvelle car la saveur portante pour faire évoluer les goûts
I meilleur ouvrier de France en de ces morilles de culture, biologiques et les habitudes alimentaires, notam-
2015 (“MOF” pour les connaisseurs), de surcroît, est identique à celle des ment des plus jeunes. Soyons créatifs
dans la catégorie primeur, une dis- sauvages. Nous sommes gagnants sur et transmettons notre amour pour la
tinction qui célèbre l’excellence d’une toute la ligne, disposant, dès 2018, à la diversité des matières, des couleurs,
profession qui demeure souvent dans fois de la quantité et de la fraîcheur, à des textures et des parfums de ces
l’ombre. Et d’expliquer : « la culture moindre coût », poursuit-il. goûteux turions ! », conclut-il. n
de la morille, c’est un peu comme la
quête du Graal. Après des années de ÉPHÉMÈRE ASPERGE Sophie Barenne
recherche, les Chinois sont parvenus Cette réflexion sur la primeur des
les premiers à trouver la méthode et produits vaut aussi pour l’asperge, EN SAVOIR +
surtout, la souche de mycélium capable dont la fraîcheur est bien évidemment
Michel Roth, Chef de faire pousser sur commande ces aussi un gage de qualité. Celle que Blanche, verte ou violette
exécutif de l’Hôtel champignons réputés incultivables, les nous consommons en plein hiver a La couleur de l’asperge ne dépend
Président Wilson plus chers après la truffe. Ils ont aussi traversé une bonne partie de la pla- pas que de sa variété mais du mode
et du restaurant réussi à obtenir des rendements suf- nète pour se retrouver sur nos étals de culture, et plus particulièrement de
Bayview et Johann fisants depuis 2008 pour en faire un de supermarchés, avec le coût envi- sa durée d’exposition au soleil avant
Favre, directeur commerce rentable, et même très ren- ronnemental que l’on connaît. « Quant la cueillette :
de l’entreprise table si l’on en croit la prospérité de ce à l’asperge locale, elle ne se déguste - l’asperge blanche est récoltée sitôt
Brasier Primeur secteur dans la province du Sichuan, que quelques semaines par an, géné- qu’elle montre le bout de sa pointe ;
installée à Carouge, qui parvient à en exporter plusieurs ralement entre avril et juin, ou de façon - l’asperge violette est récoltée une
à Villars-Sainte- centaines de tonnes par an. » un peu plus précoce, si l’on joue sur fois sortie de quelques centimètres ;
Croix, et à Saxon, les régions et les pays voisins, telles - l’asperge verte est cueillie
arborant tous deux LA MORILLE SERA DÉSORMAIS la France et l’Italie », indique Johann lorsqu’elle mesure une quinzaine de
leur prestigieux col EXCLUSIVEMENT LOCALE Favre. « Car comme la production centimètres. Elle se colore sous l’effet
tricolore de MOF Jusqu’à présent, les morilles fraîches de suisse ou de France voisine est insuf- de la chlorophylle.
(Meilleur Ouvrier de nos contrées ne nous parvenaient qu’en fisante, nous ne nous interdisons pas
France), symbole quantité bien trop insuffisante pour de jouer sur les différents terroirs, et
d’excellence et de contenter les consommateurs suisses allons là où le produit est bon. »
savoir-faire.
et français qui en raffolent et qui devaient En Suisse, le Valais en a fait une
se rabattre sur la morille d’exportation. spécialité et bénéficie de la prise de
Mais depuis cette année en Suisse, et conscience de l’intérêt nutritif, gus-
trois saisons déjà en France, en Haute- tatif, et environnemental des produits Photos : © Alais_Wallis Promotion - Pascal Gertschen • Grant Symon
Savoie notamment, la culture est de- de proximité de la part du consomma-
venue possible, grâce aux expériences teur. Mais la popularité de l’asperge
et à l’obstination de la société France valaisanne pourrait bientôt s’essouf-
Morilles, détentrice du brevet pour fler car l’asperge n’a pas la côte chez
l’Europe. « La partie n’était pas gagnée les moins de 35 ans. « Les primeurs,
d’avance car détenir la bonne souche avec les restaurateurs, mais aussi les
du délicat champignon n’était, et de loin, responsables de restaurants d’entre-
pas le seul écueil. Encore fallait-il réus- prises, de crèches ou d’écoles, ont
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