Page 50 - L'Extension N° 67 / Décembre 2018 - Janvier 2019
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.écolonomie/interview











                            Alain Ettori : mobilité-liberté,





                            deux valeurs très liées








                            Architecte établi à Annecy depuis plus de 40 ans, Alain Ettori est passionné
                            par les enjeux liés à la mobilité et à l’urbanisme. Il est à l’origine du premier
                            salon City Flux, qui ambitionne de trouver des outils et des moyens pour mieux
                            adapter la ville et ses espaces urbains aux effets induits par l’insertion des
                            nouvelles mobilités électriques.


                            Comment est né le salon City Flux ?  de sources : l’hydrogène ? les batteries   transport individuel se collectivise, pour
                            Je suis architecte et me suis rendu   électriques ? L’hydrogène est en pleine   arriver probablement vers des modèles
                            compte que les mondes de la mobilité   expansion. Il est notamment utilisé dans   semblables aux véhicules autonomes.
                            et de la ville avaient du mal à commu-  les transports en commun, mais il est   Tout cela avec des nouvelles mobilités
                            niquer ensemble, que c’étaient deux   encore peu développé dans la mobilité   individuelles incarnées par les vélos et
                            univers complètement séparés.    individuelle. Quant aux batteries, elles   trottinettes électriques, les segways, les
                            On a beaucoup de salons sur les villes,   sont aussi polluantes…   hoverboards… C’est une vraie révolu-
                            on a beaucoup de salons sur les mobi-                              tion, et il faut que les villes se préparent.
           EN SAVOIR +      lités, mais il n’y en a pas encore qui   Quel est votre constat sur
                            essayent de mettre en relation l’urba-  la mobilité dans notre région ?  Des exemples en France ou à
           La première édition   nisme, la ville et la mobilité. D’où l’idée   Toutes les villes, ici ou ailleurs,   l’étranger vous inspirent-ils plus
           du salon City Flux   de cet événement.            connaissent des problèmes de circu-  particulièrement ?
           a lieu les 27 et                                  lation. Et chacune tente de trouver des   Oui, par exemple au Japon. La gare est le
           28 novembre à    Quels sont les enjeux en matière   solutions. Mon but est d’essayer de les   centre de la ville, parce que c’est l’inter-
           l’Impérial Palace   de mobilité et d’urbanisme    réunir de façon à favoriser des retours   modalité qui prime. C’est quelque chose
           d’Annecy.        aujourd’hui selon vous ?         d’expérience. Il s’agit de donner des   qui s’est un peu perdu chez nous, mais
           www.cityflux.fr  La mobilité et la liberté sont deux valeurs   outils à ceux qui font la ville.  que l’on va retrouver : si l’on veut bien
                            qui sont très liées. Si on supprime de la   Ce qui est passionnant, c’est que la   vivre la ville avec sa mobilité, il faut que la
                            mobilité à quelqu’un, on va lui supprimer   mobilité est à la fois collective et indi-  gare devienne véritablement plus qu’une
                            sa liberté.                      viduelle. La mobilité collective, grâce   gare et qu’un centre de transport, mais
                            Dans le salon, on souhaite traiter de   au numérique, est en train de s’indivi-  un pôle urbain dynamique avec des ser-
                            toutes les mobilités, aussi bien collec-  dualiser, c’est à dire que le moyen de   vices, de l’administration, etc. Car c’est
                            tives qu’individuelles. Pourquoi ? Parce   transport collectif va de plus en plus se   un passage obligé des populations qui
                            que les chiffres sont alarmants. Les   rapprocher des besoins de l’usager et   travaillent.  Dans  mon  métier  d’archi-
                            villes sont de plus en plus importantes.   le prendre là où il est, le déposer là où   tecte, j’ai eu la chance de connaître
                            Aujourd’hui, on est environ 7,6 milliards   il a besoin d’aller. Et paradoxalement,   des villes nouvelles, des écoquartiers,
                            sur terre et on va passer à 11,2 mil-  le transport individuel est en train de   notamment en Allemagne. Au début, il
                            liards en 2100. Cette accélération de   se partager avec le covoiturage ou les   n’y avait pas un seul bâtiment, la seule
                            la progression du nombre d’habitants   voitures en partage. Donc on est à la   chose que l’on voyait c’était un tram. On
                            a un impact direct sur la population des   croisée des chemins aujourd’hui, où   disait ça coûte une fortune de faire un
                            villes qui croît deux fois plus vite que la   le transport collectif s’individualise, le   tram alors il n’y a personne à desservir.
                            population en général. Comment faire,                              Mais aujourd’hui, le tram est pleinement
                            dans ce contexte, pour que les hommes                              opérationnel ! Il apporte un vrai service
                            vivent bien, en santé et en sécurité ?   « On est aujourd’hui  à la croisée   à tous les habitants. L’argent, qui a été
                            Aujourd’hui, deux millions de personnes                            avancé au départ, a d’après moi, été
                            meurent chaque année sur la planète à   des chemins : le transport collectif   largement rentabilisé par la suite, dans
                            cause de la mauvaise qualité de l’air, un   s’individualise et le transport   la mesure où il n’a pas fallu refaire les
                            phénomène partiellement lié aux trans-  individuel se collectivise. »  infrastructures primaires qui sont les plus
                            ports. Donc, les transports du futur                               lourdes et les plus onéreuses. n  © Romain Fournier
                            doivent être essentiellement électriques.            Alain Ettori
                            Après, reste à savoir avec quels types                             Propos recueillis par Romain Fournier

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